Je ne sais pas pourquoi cela m’a surpris que la Droite américaine - y compris le parti Républicain- ait décidé que pour réussir il fallait utiliser les Musulmans comme boucs émissaires. Après tout cela n’a rien de neuf.
Je me souviens qu’après le 11 septembre, le journaliste Charles Krauthammer qui est maintenant un des démagogues anti-islamistes les plus diserts, a presque littéralement bondi de colère dans ma synagogue de Chevy Chase, Maryland, quand le rabbin a dit qu’il était important de ne pas faire l’amalgame entre les attaques terroristes et les Musulmans en général.
C’était à Yom Kippour, la jour le plus saint de l’année, mais cela n’a pas empêché Krauthammer de clamer qu’il n’était pas d’accord avec le rabbin. Parce que, selon lui, Israël et l’Amérique étaient en guerre avec les Musulmans et qu’ils allaient gagner cette guerre.
C’était choquant, non seulement parce que l’explosion de Krauthammer était complètement déplacée mais aussi parce que cet homme critiquait en fait le rabbin pour ne pas avoir exprimé de la haine envers les Musulmans le Jour du Grand Pardon.
L’année suivante le rabbin venu d’Israël fit un sermon sur l’Intifada qui faisait alors rage en Israël et en Cisjordanie.
Il donna un sermon insensé, faisant, les larmes aux yeux, le lien entre l’intifada et l’holocauste et vice-versa. Je me souviens avoir pensé " En fait ce type est en train de rendre les Palestiniens responsables des souffrances de ses parents pendant l’holocauste". Cela m’a paru si ridicule que je me suis dit que quelque chose avait dû m’échapper.
Puis il est arrivé à la fin de son sermon et je n’ai jamais oublié de qu’il a dit. Il a cité les paroles de l’Ecclésiaste : "Il y a un temps pour tout. Un temps pour naître, et un temps pour mourir ; un temps pour planter et un temps pour récolter... Un temps pour pleurer et un temps pour rire ; un temps pour faire le deuil et un temps pour danser..."
Puis ii a levé les yeux et ajouté : "Maintenant le temps est venu de haïr".
J’ai d’abord pensé que je n’avais pas bien entendu. Il ne pouvait pas appeler la congrégation à haïr. Il y avait des dizaines d’enfants dans la pièce. Ce n’était pas possible.
Mais si. Je dois reconnaître, et c’est tout à leur honneur, que la plupart des personnes à qui j’ai parlé en sortant de la synagogue étaient horrifiées. Même les gens de droite étaient mal à l’aise à l’idée de faire de la haine une vertu. Mais le rabbin, lui, était irréductible. Je lui ai envoyé un Email de protestation et il m’a répondu qu’il était sûr de ses convictions. Charmant.
On peut se demander ce que le Moyen Orient a à voir avec l’ignoble explosion d’islamophobie (ou plutôt de haine de l’Islam) qui semble avoir envahi des pans entiers de ce pays.
La réponse est que ça a tout à voir. Car bien que la haine soit dirigée contre les Arabes Américains (ce qui est pire encore), on la justifie en invoquant le 11 septembre, une attaque perpétrée par des Musulmans du Moyen Orient.
Cette haine est étayée par la haine des Musulmans et des Arabes qui s’est couramment exprimée (ou clamée dans des haut-parleurs installés sur le toit des voitures), au nom de la défense d’Israël pendant des décennies. Observez simplement ce qui se passe au Congrès, où les libéraux de New York, Floride, Californie et ailleurs ne manquent jamais une occasion d’expliquer que quoi que fasse Israël il a raison de le faire et quoique fasse les Musulmans ils ont tort de le faire.
Peut-on raisonnablement affirmer qu’une rhétorique aussi spécieuse n’a aucune influence sur l’opinion publique ? Pour le moins, elle donne aux préjugés anti-Arabes et/ou anti-musulmans une légitimité que d’autres formes de haine n’ont plus. Ceux qui haïssent les noirs américains ou les Juifs, par exemple, ont le sentiment qu’ils doivent affirmer qu’ils ne les détestent pas du tout. Ce n’est pas le cas avec les musulmans qu’on peut vilipender en toute impunité.
Et dans ce domaine les libéraux sont pires que les conservateurs parce qu’ils excluent les Musulmans et les Arabes (et maintenant les Turques) de l’approche humanitaire qu’ils ont pour tous les autres groupes. Les conservateurs, eux, combinent leur dénigrement systématique des Arabes avec une xénophobie générale comme le prouve leur politique d’émigration.
Les libéraux, de leur côté, ne rejettent que les Musulmans. Ils le font d’une manière active -par exemple en défendant tout ce que les Israéliens font aux Arabes avec un enthousiasme véhément. Et aussi d’une manière passive, en refusant de manifester la moindre sympathie aux Musulmans qui souffrent et meurent du fait des Israéliens - comme les 432 enfants palestiniens tués pendant la guerre de 2008 de Gaza.
Les libéraux se joignent aux conservateurs quand il s’agir de courir au Parlement et au Sénat pour défendre les Israéliens de toute accusation (souvenez-vous comme ils ont automatiquement attaqué le rapport Goldstone sur les crimes de guerre à Gaza sans se soucier des horreurs que Goldstone décrivait). Et puis ils lisent les arguments que l’AIPAC (lobby sioniste NdT) leur fournit pour les aider dans leurs prises de parole et qui récapitulent toutes les horreurs que les Arabes ont commises pendant que les Israéliens leur tendaient constamment la main à la manière de Gandhi. Ce serait drôle si les conséquences de tout ceci n’étaient pas si terribles.
Pourquoi toute cette haine n’affecterait-elle pas également la perception des Arabes Américains ? La haine déborde invariablement, exactement comme la haine d’Israël parfois déborde jusqu’à rejoindre le vieil antisémitisme traditionnel pur jus.
En un mot, on remue là un brouet de sorcière et cela produira sans nul doute de la violence. Mais les sorcières ne sont pas toutes de droite. Il y a autant de libéraux qui tournent la cuillère dans le pot pour faire plaisir à quelques uns de leurs donateurs.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas blâmer Beck et Limbaugh (animateurs d’émissions et leaders de droite très influents NdT) pour toute cette haine mais n’oubliez pas de blâmer aussi vos hommes politiques favoris de droite comme de gauche. A l’exception de quelques uns (vraiment très peu) ils ne valent guère mieux.
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